lundi 6 février 2017

Contrebande


Voilà,
en fait je ne devrais parler que de cela puisque j'y consacre la plupart de mon temps, de mon énergie  – qui n'est plus très fameuse – et de ma réflexion. Cette contrebande, ce petit trafic avec les images est ce que j'ai trouvé de mieux pour atténuer l'angoisse d'être au monde et la peur d'y décrépir avant d'en disparaître à jamais. Mais j'entends les bruits de ce monde, les vociférations des uns et les prophéties des autres. Je ne peux que constater l'ahurissante bêtise qui gagne un peu partout et se propage plus vite qu'elle ne l'a jamais fait. Cela ne me rend pas très serein. Il faudrait que je me coupe des réseaux sociaux, que je ne lise pas les nouvelles, que je fasse comme si la catastrophe écologique n'existait pas, comme si la menace de l'accident nucléaire était absente, comme si notre alimentation n'était pas empoisonnée et que l'air que nous respirons demeurait pur et sain. Oui, faire l'autruche pour ne pas songer au fou qui gouverne les États-Unis et qui veut avec son administration faire en Europe ce que ses prédécesseurs ont fait au Moyen-Orient, rester dans ma bulle pour éviter de m'insurger contre les corrompus et les prévaricateurs qui prétendent aux plus hautes fonctions de ce pays, et font monter en moi, l'ami des nuages et des papillons de féroces pulsions meurtrières. Ce matin, comme cela m'arrive de plus en plus souvent, au lieu de subir le bulletin d'informations, j'ai changé de canal pour écouter France Musique. J'ai besoin de beauté, d'harmonie, même si ce n'est qu'une illusion. Tout comme ce temps consacré à interroger les œuvres du passé avec les techniques d'aujourd'hui, à les réinterpréter, comme le ferait un musicien de jazz d'un standard reconnu. Une fois encore je me détourne du réel. Le déni de réalité c'est une forme de folie. Mais comme je socialise encore, que je dis bonjour au gardien de l'immeuble, que je vais faire des exposés sur le cinéma dans le lycée de ma fille, que j'accepte des invitations à dîner ou au théâtre, que je participe å des comités de lectures, à des lectures publiques, que je réponds encore au téléphone je passe pour quelqu'un de relativement normal. Pourtant la plupart de mes heures je les dépense à explorer les virtualités que j'entrevois en liant des images les unes aux autres. Les possibilités sont infinies. Elles me libèrent de la contrainte d'une pensée structurée. J'établis une hypothèse. Au lieu de m'interroger sur la rencontre fortuite d'un parapluie et  – putain de quoi d'autre sur la table de dissection ? j'ai la mémoire qui flanche – ah oui d'une machine à coudre merci Google je mets en relation, par exemple un vieux collage réalisé dans les années quatre-vingts et un tableau de Kandinsky sur ma tablette. Je me livre ensuite à toute une série de transformations jusqu'à obtenir une image qui me convienne. Et pendant ce temps rien d'autre n'existe que la musique qui m'accompagne.  "Muzik zum Gedächtnis der Einzamen de Philip Jarnach. C'est la découverte du jour. Elle vaut bien des voyages. parfois j'aimerais me retirer totalement, être pris en charge et pouvoir comme les pensionnaires de Gugging me livrer à mes bricolages. Il y a peu au Goethe Institut, j'ai lu une pièce de Philipp Weiss concernant cet endroit et ces artistes. J'interprêtais le personnage de Walla, le peintre avec son drôle de chapeau. Je veux le même.

5 commentaires:

  1. La couleur, et la dernière phrase ... toujours un bonheur de te lire .

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  2. J'aime beaucoup cette image, justement elle m'évoque de la musique. Et ton texte. Tu as une jolie façon d'être dedans-dehors du monde.

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  3. A most captivating picture. I spend time looking at your pictures before translating your words. I figure the picture will be more accurate than Google's translation. The situation here seems worse all the time--- except that there is more awareness of the craziness than ever before. That is good.

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  4. ça doit se trouver un chapeau comme ça ! peut-être que tu prendrais un pinceau et nous ferais des oeuvres !
    très émouvante la vidéo avec ces pensionnaires artistes !
    tu comprends l'allemand ?

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  5. On vit très bien sans news (preuve vivante), et pour le reste, en faisant ce vieux tri entre les choses qui dépendent de nous et les autres, on voit bien que ne demeure pas grand-chose. C'est dire qu'on s'inquiète probablement parce qu'on le veut bien, et qu'on s'occupe encore trop peu de ce qu'on a à portée de corps. Amitiés.

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