mercredi 3 décembre 2014

Hantise


Voilà,
hébétée dans cette sorte de fourmilière, elle ne peut s'empêcher de songer, non sans effroi, à ceux qui, voyageant tout comme elle, furent un jour surpris par la violence de la déflagration et, sans même le réaliser, passèrent aussitôt de vie à trépas. Mais aussi : visions des corps déchiquetés, des peaux brûlées qui suppurent, des membres arrachés, du sang répandu, de ceux qui se tordent de douleur incapables de comprendre ce qui leur arrive. Les cris les hurlements, et dans une indescriptible panique certains cramponnés à leur smartphone essaient encore d'appeler quelqu'un. Et puis les corps inertes, casque audio encore fixé aux oreilles, le visage crispé, saisis dans l'horreur. Si souvent ils esquivaient la misère quand elle mendiait quelques pièces ou un ticket restaurant, espérant ainsi se protéger du monde en détournant le regard, eh bien le monde a fini par venir à leur rencontre. Oui c'est à cela que pense Chantal Dobričić, c'est ça qu'elle ne peut s'empêcher de projeter dans la morose torpeur du wagon. Car soudain, tout est devenu suspect. Une fraction de seconde, le reflet multiplié de l'homme debout lisant son journal a fait ressurgir la terreur ancienne, la vision du carnage, restée là, tapie, menaçante, planquée dans la mémoire depuis l'enfance et qui en fait jamais ne l'a quittée.

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