mardi 26 mars 2013

Église St Séverin

Voilà,
je les aperçois assis dans le métro. Elle petite et brune, la trentaine, ou peut-être moins, d'une beauté assez ordinaire, mais non dénuée de charme avec un visage très mobile et quelque chose de piquant dans le regard. On sent la pensée affûtée, l'intelligence vive. Elle rayonne, et de la façon dont elle se tourne vers lui, même si elle ne parle que de pigments, de surfaces de lumière, il est évident qu'elle est amoureuse, éprise, séduite, attachée, je ne sais pas ce que l'on peut utiliser comme mot, en tout cas bien avec lui, oui ces deux là c'est sûr éprouvent du plaisir à l'autre. L'homme est plus âgé qu'elle, plutôt beau, une petite quarantaine grisonnante, bien conservé comme on dit, la peau pas encore creusée par les rides, ni encore attaquée par les cernes. Ils se tiennent par la main se bizouillent de temps à autre. Je me demande quelle est la nature de leur lien. Il porte une alliance, elle n'a aucune bague aux doigts. Cela me semble étrange. Ce sont des détails auxquels je ne prêtais aucune attention autrefois. Une chose me choque cependant, cette façon qu'il a de lui tapoter la cuisse en public, qui suggère la vulgarité du propriétaire qui touche son bien, son bien acquis. Cette impression toute subjective, tient au fait que le geste n'est pas adressé, mais mécanique et répétitif, n'attendant aucune réponse, presque inconscient, en tout cas dénué d'âme.

(...)


Je me décide, plutôt que de manger, d'aller au cinéma voir "Notre monde" de Thomas Lacoste, boulevard St Michel. Il y fait une belle lumière, mais trop froid toutefois pour déjà rêver au printemps, même si sur le balcon le forsythia commence enfin à fleurir (bien plus tard que les années précédentes). Comme j'ai un peu d'avance, je vais faire un tour vers la rue de la Huchette et la rueSt Séverin avec tous leurs restaurants grecs à touristes. J'ai une affection particulière pour ce coin là, où j'errais lorsque j'avais quinze ans, et parfois l'idée me vient que je pourrais dîner un soir dans un de ces restaus, comme si je n'étais pas d'ici. J'en profite pour entrer dans l'église St Séverin où je n'étais jamais venu. Bonne intuition. La vision de l'homme tellement recueilli ou accablé que sa tête a disparu a été la bonne surprise de cette journée. Mais comme dirait Godard, "ce n'est pas une image juste, c'est juste une image".

4 commentaires:

  1. I enjoyed your observations Kwarkito, I too tend to make up scenarios when I watch people :) I must admit I did have to look twice at your 'headless' man, it looks like he has the 'weight of the world' on his shoulders oui!

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  2. Ton billet d'aujourd'hui fait comme écho à celui d'hier; sortir de soi et regarder, s'imaginer ce que vivent les autres, s'intéresser à eux. Certains blogs, comme le tien, permettent cette sortie de soi (de moi en l’occurrence:-))).

    Cette tête disparue qui a été pour toi une bonne surprise (la photo est superbe) j'y trouve une infinie tristesse, l'envie de savoir ce qui accable cet homme à ce point; évidemment on pourrait imaginer qu'il relit pour la centième fois une lettre d'amour, mais...
    Belle journée Kwarkito, un vent fort et chaud souffle sur l'île ce matin.

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    1. Oui tu as raison Colo, cette photo est d'une infinie tristesse. Je l'ai vu évidemment sous un autre angle, cet homme, engoncé dans son manteau, avec un sac plastique à ses pieds et c'était moins le recueillement que l'accablement qui l'ensevelissait ainsi sous le poids du monde. Il est de ceux qui viennent trouver un peu de paix dans le froid silence des églises, où si peu de gens viennent prier à présent, mais dont les murs sont chargés de tant de rêves et d'espérances passées. Tu me fais réaliser que je me suis égoïstement réjoui d'une image d'une vision, qui pour moi a occulté la réalité qu'elle dévoile... Sans doute que je cherche des forme où je ne trouve plus de sens. je pense souvent à cette phrase de Kafka "dans ton combat avec le monde, seconde le monde" . Je me suis souvent demandé ce qu'il entendait par là. S'agit il d'assister de l'aider tout en le combattant, ou de le mettre en second ? Il faudrait que je retrouve la phrase originale pour voir ce qu'il en est vraiment. Un vent chaud sur l'île dis tu... On se prend à rêver, il fait encore très froid ici. belle journée à toi aussi Colo..

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  3. Dans une église on peut disparaître.On a le droit et de toute façon personne ne le voit.
    Heureusement que tu étais là.
    La photo est magnifique. Je comprends ta joie d’avoir attrapé cette image là dans ton filet à papillons. Le papillon est déchirant. Je ne l’imagine pas relisant à nouveau une lettre d’amour. Plutôt une disparition à soi-même. Plus rien reçu depuis longtemps. Mais il y a aussi des gens qui prient. Après tout.

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