lundi 10 mars 2025

Les mots se dérobent

 
Voilà, 
j’ai réalisé  de semblables images parce que je ne sais pas jouer de musique, je ne sais pas composer, je n’ai pas d’instruments à la maison, rien qui m'aurait permis d’exprimer une sensation, une émotion sans pour autant avoir à l’expliquer. 
Enfin c’est comme ça que je me formule à présent les choses. 
Pour le moment. 
Il est possible que je trouve d'autres explications. Plus tard.
Je le voudrais mais ne parviens pas à concevoir un récit, formuler mes pensées. Exprimer ce qui m'a traversé, me traverse encore. Les mots se dérobent. Ils ne me permettent pas de trouver la distance juste. Toute mon existence ils m’ont posé un problème, me laissant insatisfait. Je suis incapable d’exploiter toutes leurs nuances, de les agencer de façon satisfaisante pour qu'ils soient au plus proche de l'émotion, de la sensation. Par contre je crois pouvoir assez subtilement interpréter les mots des autres. Je suis comédien, interprète, c'est mon métier.
 
(...)

En d’autres temps pour surseoir à l’angoisse je composais des collages.
Fabriquer désormais ces vignettes me permet d'une certaine façon, d'être évasif. De suggérer sans être trop explicite. D'échapper à l'embarras des phrases, qui exigent d'être pesées au mot près. 
Comme si j’écrivais une petite sonate, comme ces pièces pour piano de Chopin quand il était triste. À défaut de m’exprimer, je m’imprime. J’échappe à l’anecdote.  
C’est aussi en quelque sorte l’équivalent d’une calligraphie japonaise réalisée au pinceau d’un seul geste. Oui, c’est un peu ça. Une calligraphie électronique. Ça signifie quelque chose de secret qui, à la fois ne peut se dire sans pour autant devoir se taire. 
Un cri silencieux. 
 
 
Je ne sais pas si je parviendrai un jour à coller des mots là-dessus. Sur cet effroi, sur ces moments de panique, certaines nuits de ce terrible mois d'Octobre. Sur la peur chaque jour, les mois qui ont suivi. Sur les apparences qu'il fallait préserver. Sur cette inquiétude qui jamais depuis ne me lâche.
 
(...)

 Les heures où je l’accompagnais où je faisais semblant d’assurer, où je faisais même de l’humour. Où nous marchions en silence côte à côte. Où je faisais comme si tout ce que nous vivions était relativement maîtrisé. Nous faisions des selfies. Elle, coiffée de son bonnet, pour dissimuler son crâne. Je l’accompagnais chez l’acupuncteur, au laboratoire d’analyses médicales à l’hôpital là-bas de l’autre côté du fleuve. 
Pourtant dans cette terrible adversité, nous avons eu de la chance.
La chance, j'ai cru en sa possibilité ce jour ou dans une salle d'attente de l'hôpital — venions  nous pour une séance ? Était-ce au tout début je ne sais plus — une grande belle femme aux cheveux courts, est entrée avec son ami. J'ai tout de suite compris, à cause des cheveux, qu'il s'agissait du même genre de maladie. D'ailleurs que pouvait elle avoir eu d'autre pour venir dans ce service, dans cet hopital ? Maintenant je peux dire qu'elle devait en être à six mois après la fin du traitement. Cela devait être une visite de contrôle.


Elle discutait en anglais avec son ami. Il m'a semblé qu'elle était britannique. Elle avait un sourire radieux, tout son visage resplendissait de joie, et il émanait d'elle un puissante force vitale. J'ai alors pensé que oui, c'était possible une issue positive...
Je ne sais pas pourquoi je raconte cela maintenant.
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samedi 8 mars 2025

Mais il y a toujours quelque chose qui m'échappe (17)

 

Ça me revient
ces veilles ou journées de Noël devant la télévision lorsque l'on regardait en famille "SVP Disney", une émission animée par Pierre Tchernia. Au début de l'émission, une liste de classiques Disney était proposée. Les téléspectateurs téléphonaient au standard « SVP » pour choisir celui dans la liste dont ils souhaitaient voir un extrait. Les extraits les plus plébiscités étaient ensuite diffusés tout au long de la soirée. C'était l'époque où "l'Amérique" vendait du rêve. 
 
Ça me revient

le sélectionneur qui a qualifié l’équipe de France de football pour la coupe du monde de 1966 en Angleterre s'appelait Henri Guérin. Malheureusement son équipe n'a pas dépassé le premier tour

 

Ça me revient

La merveilleuse présence de Patti Hansen en chauffeure de taxi dans le film "Et tout le monde riait" de Peter Bogdanovitch


Ça me revient
Philippe aimait bien le générique de fin de France deux, avec les petits bonshommes de Folon disparaissant dans les étoiles et la composition de Michel Colombier inspirée de l'adagio de Marcello, qui fut d'ailleurs diffusé à ses obsèques à Lestiou

Ça me revient
le corps d'Eric Tabarly, un grand navigateur disparu en mer après avoir été projeté par-dessus bord avait été retrouvé un mois plus tard dans les filets de pêche d'un chalutier breton
 
Ça me revient
au concert pour le Bangla Desh quelques personnes avaient applaudi pendant que les musiciens de Ravi Shankar s’accordaient. Et Ravi Shankar goguenard avait dit que si les gens appréciaient ce moment là ils aimeraient sans doute la suite de leur performance
 
Ça me revient 
à la fin du siècle dernier j’ai participé un spectacle dont l’action se passait dans une salle d’attente où un musicien jouait les suites pour violoncelle de Bach
 
Ça me revient
Les Etats-Unis en 2020 avaient montré à quel point ils étaient terriblement mal préparés à une urgence sanitaire de l'ampleur de celle du covid. L'une des raisons était qu'en 2018, le président Trump avait dissous la cellule d'intervention en cas de pandémie de la Maison Blanche. Aujourd'hui il fait bien pire
 
Ça me revient
le premier Album de Kid Creole et les Coconuts, beaucoup écouté lors de l'hiver 80-81, endeuillé par la mort de John Lennon, mais durant lequel les affaires professionnelles ont commencé à reprendre, alors que j'avais décidé de quitter la sécurité pour tenter l'aventure. J'adorais la pochette du disque  et cette réjouissante version tropicale de Lili Marlène et il y avait dans cet album une joie une énergie qui rendaient la vie plus supportable
 
Ça me revient
la salle aménagée cette soirée là, le 2 février 1973.  Les bougies, la mise en scène de l'espace. La jeune fille qui a organisé cela est d’une beauté confondante. A un moment elle propose des cadavres exquis. Dans la pénombre je me me rapproche irrésistiblement d’elle. Est ce que nous faisons ensuite un bout de chemin ensemble. Je sais qu’après je n’ai qu’une hâte, la revoir. Notre rencontre s’est faite sous le signe du hasard objectif.

Ça me revient  
il n’y a pas si longtemps j’ai passé un weekend à la campagne avec des psychanalystes, que des femmes, toutes très bourgeoises qui trouvaient Alain Finkielkraut intéressant pertinent et pas du tout réactionnaire. Je me suis aperçu que j'avais des fréquentations de droite.

Ça me revient 
la fois où Dominique devant des anglophones a dit en français "je vous serre la pince-monseigneur"  et qu'ensuite elle avait beaucoup de mal à expliquer ce jeu de mots
 
Ça me revient
j'ai pleuré devant ma télévision en assistant à la retransmission en direct de la libération de Nelson Mandela en février 90
 
Ça me revient
combien j'avais été ému par la disparition de cette jeune photo-reporter Camille Lepage, tuée par une balle à 26 ans dans une embuscade en Centrafrique
 
Ça me revient
pendant quelques années au début des années 90 vers Noël ou le premier de l'an, j'allais chercher du Boudin blanc à la charcuterie Charles. Il y en avait une dans le quinzième vers La Motte-Piquet (je ne me rappelle plus précisément où) et une autre au début de la rue Dauphine. J'avais bien entendu eu connaissance de cet excellent commerçant grâce à Philippe. Je me rappelle aussi de Noblet place d'Alésia. Et du slogan sur une enseigne au dessus de sa boutique, qui faisait sourire Agnès. On voyait un cochon rose à qui une petite fille en robe rouge disait "pleure pas grosse bête tu vas chez Noblet"

Ça me revient 
que la première femme admise à l'École Polytechnique, Anne Chopinet, en 1972, est entrée  Major de sa promotion

Ça me revient
La fatuité béate de ce psychanalyste de renom devant un groupe de comédiens ayant lu une bien médiocre pièce de théâtre dont il est l’auteur

Ça me revient
Dominique trouvait la chanson de Maxime Leforestier "Education sentimentale" un peu niaise, je n'étais bien évidemment pas d'accord avec elle.

Ça me revient,
L’été 68 passé chez mon grand-père, les moments de mélancolie, la perte de mon chat et les chansons tristes comme la Maritza de Sylvie Vartan, ou "les vieux amants" de Jacques Brel

Ça me revient
j’ai 17 ans. Je le connais à peine. Depuis quelques semaines tout au plus. Nous nous tenons face à face debout près des rayonnages de cette incroyable bibliothèque dans le salon de ce vaste et confortable appartement. Jamais je n’en ai vu d’aussi luxueux. En fait il ne l’est pas tant que ça. Mais je n’en ai jamais vu de tel jusqu’à présent. Il me demande ce que j’aime lire, il me pose des questions, sur mes auteurs favoris s’intéresse à moi. C’est le premier adulte qui ne me parle pas comme à un inférieur hiérarchique

Ça me revient 
l'agacement devant l'insupportable prêchi-précha d'une pièce d'Olivier Py dont je ne me souviens plus du titre au théâtre de la ville, insupportablement complaisante, narcissique, truffée de poncifs, son infatuation verbeuse, l'indigence de sa pensée, sa théâtralité vieillotte qui se croyait moderne, parce qu'on s'encule un peu sur scène et qu'on y parle politique culturelle avec ironie, le mot théâtre répété sans cesse en boucle, jusqu'à l'écœurement, une vague histoire de recherche du père qui rendait à son auteur si difficile l'exercice du pouvoir, bref un opus prétentieux et boursouflé mais que la critique parisienne avait chaleureusement encensé et pour lequel le public s'extasiait. Et j'étais bien content d'être en décalage total avec ces parterres d'abrutis.

Ça me revient, 
les anciens qui lorsque j’étais enfant (j’avais dix ans), parlaient de l’hiver 56 qui avait été si rude, il y avait de la neige sur les dunes, un iceberg dans l’estuaire de la Gironde et le petit lac de Biscarrosse avait été gelé. Ils me parlaient d’un temps où je n’existais pas et donc ils me semblaient très vieux, et leurs histoires d’un autre monde et d’un temps lointain.
 
Ça me revient
en 2008, le nom de la sculpture de Richard Serra, exposée au jardin des Tuileries  était Clara-Clara, un hommage je crois à sa femme.

vendredi 7 mars 2025

Église St Séverin

Voilà,
je les aperçois assis dans le métro. Elle petite et brune, la trentaine, ou peut-être moins, d'une beauté assez ordinaire, mais non dénuée de charme avec un visage très mobile et quelque chose de piquant dans le regard. On sent la pensée affûtée, l'intelligence vive. Elle rayonne, et de la façon dont elle se tourne vers lui, même si elle ne parle que de pigments, de surfaces de lumière, il est évident qu'elle est amoureuse, éprise, séduite, attachée, je ne sais pas ce que l'on peut utiliser comme mot, en tout cas bien avec lui, oui ces deux là c'est sûr éprouvent du plaisir à l'autre. L'homme est plus âgé qu'elle, plutôt beau, une petite quarantaine grisonnante, bien conservé comme on dit, la peau pas encore creusée par les rides, ni encore attaquée par les cernes. Ils se tiennent par la main se bizouillent de temps à autre. Je me demande quelle est la nature de leur lien. Il porte une alliance, elle n'a aucune bague aux doigts. Cela me semble étrange. Ce sont des détails auxquels je ne prêtais aucune attention autrefois. Une chose me choque cependant, cette façon qu'il a de lui tapoter la cuisse en public, qui suggère la vulgarité du propriétaire qui touche son bien, son bien acquis. Cette impression toute subjective, tient au fait que le geste n'est pas adressé, mais mécanique et répétitif, n'attendant aucune réponse, presque inconscient, en tout cas dénué d'âme.

(...)




Je me décide, plutôt que de manger, d'aller au cinéma voir "Notre monde" de Thomas Lacoste, boulevard St Michel. Il y fait une belle lumière, mais trop froid toutefois pour déjà rêver au printemps, même si sur le balcon le forsythia commence enfin à fleurir (bien plus tard que les années précédentes). Comme j'ai un peu d'avance, je vais faire un tour vers la rue de la Huchette et la rueSt Séverin avec tous leurs restaurants grecs à touristes. J'ai une affection particulière pour ce coin là, où j'errais lorsque j'avais quinze ans, et parfois l'idée me vient que je pourrais dîner un soir dans un de ces restaus, comme si je n'étais pas d'ici. J'en profite pour entrer dans l'église St Séverin où je n'étais jamais venu. Bonne intuition. La vision de l'homme tellement recueilli ou accablé que sa tête a disparu a été la bonne surprise de cette journée. Mais comme dirait Godard, "ce n'est pas une image juste, c'est juste une image".
première publication 26/3/2013 à 00:01

jeudi 6 mars 2025

Un arbre

 
 
Voilà,
"je ne puis m'empêcher de considérer l'humanité comme l'une des toutes dernières écoles de peinture figurative de la Nature. Je ne distingue pas, fondamentalement, un homme d'un arbre ; et, sans aucun doute, ma préférence va à celui des deux qui produit le meilleur effet décoratif." Fernando Pessoa, ( Le Livre de l'Intranquillité. 161) 
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mercredi 5 mars 2025

Réminiscences



Voilà,
je ne sais pas pourquoi je pense à ça, aujourd'hui, en traversant la rue pour me rendre au marché, alors qu'il fait beau — certes, un peu frais — mais on sent pourtant poindre le tendre printemps. À ça, qui me hante souvent, à ce jour d'Octobre 2023 où lui fut annoncée la terrible nouvelle. Ensuite sur le boulevard, devant l'hôpital — celui-là même où elle était née — nous nous sommes serrés tous les trois, et nous avons un peu pleuré. Puis elle a dit "Je veux aller au Luxembourg". Nous avons pris la ligne de Sceaux. Avant de rentrer dans le jardin, où nous étions venus, quelques jours auparavant, juste elle et moi, elle a dit j'ai envie d'une glace. Nous nous sommes dirigés vers la Rue Soufflot, où se trouve un excellent glacier. Sur le chemin du jardin sa mère a dit que sa glace n'avait pas vraiment le goût du café. Nous avons goûté nous aussi, elle avait tort, c'était indiscutable, vraiment on ne comprenait pas pourquoi elle disait ça. Puis nous avons trouvé trois sièges, non loin du bassin, avec le palais du Luxembourg à notre gauche, et dans le prolongement de notre regard, le dôme du Panthéon au loin. Il faisait un peu frais, mais un beau soleil et un grand ciel bleu. Nous sommes restés longtemps, assis là, sans dire grand chose, échangeant parfois des propos anodins. Je ne me souviens pas si nous avons pris un bus pour rentrer, ni même si nous sommes rentrés tous les trois ensemble.
Hier soir elle est venue à la maison pour dîner et voir le foot avec moi. 
Elle a changé de chaîne au moment des nouvelles. Je crois qu'elle ne voulait pas entendre.
Elle m'a raconté sa première journée passée dans l'Institution où elle est en stage.
Dans l'après midi j'avais vu un vieux film. "Pépé le Moko" de Duvivier. Un beau mélo qui se passe dans la casbah d'Alger
Depuis de nombreux mois je vais au cinéma comme on se drogue.
La vie quotidienne m'exaspère.
j'ai envie de curiosités.
Le matin, comme je le fais depuis quelques semaines, j'étais allé assister au séminaire de Wajdi Mouawad au collège de France, dont les invités étaient le paléoclimatologue Jean Jouzel et l'historien Patrick Boucheron. Du dernier j'ai particulièrement retenu cette phrase : "au contraire de ce que pensent aujourd'hui la plupart des gens, résister ce n'est pas continuer de faire ce qu'on a envie de faire, c'est même l'inverse", et il a évoqué Marc Bloch, qui aurait bien aimé continuer à enseigner l'histoire.
Après le cinéma, en remontant le boulevard St Michel pour prendre le bus j'ai été saisi par une scène insolite. Le retour des "Hare Krisna". Je n'aurais jamais supposé en revoir de mon vivant, dans le même quartier. Place de la Sorbonne. Plus de cinquante après. Un peu moins oranges qu'autrefois, un peu moins chauves. Mais quand même, des souvenirs de jeunesse, m'ont submergé, des noms, des visages, des anecdotes. 
je me suis aussi souvenu que nous étions allés avec Agnès et Delphine au Bhaktivendanta manor, à Letchmore Heath, village où demeuraient Ann Barlow et ses filles qui avaient sensiblement nos âges. Ann était une amie de jeunesse de Dominique et nous étions allés lui rendre visite. Elle possédait une maison qui ressemblait à une chaumière anglaise de conte de fées et y tenait un magasin d'antiquité où j'ai acheté un chapeau haut-de-forme. Il me semble, mais peut-être n'était-ce qu'une rumeur, que cette propriété était un cadeau de George Harrison, au mouvement  hare krisna.

dimanche 2 mars 2025

Ces types sont fous

Voilà,
debout dans son salon elle regarde l'écran pendant que son mari finit de disposer les apéritifs. Je n'en crois pas mes oreilles dit-elle ce type est fou. C'est vrai. On pourrait aussi ajouter fat, malhonnête et cynique. Elle regarde ce jeune président s'obstinant à mentir comme un enfant devant un jouet qu'il a lui-même cassé et qui accuse "les autres". L'ensemble de son discours est aussi mensonger qu'immoral. Oui ce mec est vraiment un taré qui perd les pédales et tient des propos révélateurs d'une pensée à la dérive, à la limite de l'incohérence.
Évidemment, certains vont dire qu'il y a bien pire et bien plus inquiétant ailleurs. C'est vrai, mais ici comme ailleurs, nous ne sommes pas au bout de nos surprises et de nos effrois.

*

Les lignes qui précèdent, donc, je les avais écrites début Janvier. Je pensais qu'elles pourraient être encore d'actualité deux mois plus tard. Mais là, depuis hier, en matière d'ignominie télévisuelle assurée par des politiques, nous sommes passés dans une autre dimension. La nuit dernière j'ai mal dormi à cause d'une nouvelle d'un tout autre ordre dont je me serais volontiers passé, (bien que je la sentais venir depuis un moment). Et à un moment en scrollant sur mon téléphone j'ai eu connaissance de ce traquenard tendu à Zelensky, par Trump et Vance. Ça ressemblait à un très mauvais film, mais c'était la réalité. C'était là quasiment en direct, et totalement sidérant. Aussi stupéfiant que la chute des tours du WTC. Le truc que tu regardes sans parvenir à y croire. J'ai eu envie de faire une image (avec une typo american typewriter), tant j'étais dégoûté par ces deux ordures, ces deux tarés qui sont des fous dangereux, sans parler des journalistes courtisans qui eux sont des cons finis. C'est Dr Folamour puissance 10. Comme plein de gens, je n'avais imaginé qu'un telle ignominie fut possible à ce niveau de décision. Ça ressemblait aux procès staliniens, et aux auditions du temps de Mc Carthy.
 
 
Il n'est pas possible de réfléchir ou d'écrire sur ça. D'ailleurs je n'en ai pas envie, j, mais difficile de faire comme si ça n'existait pas. Tu essaies de prendre le temps de la réflexion, et aussitôt Trump balance un truc à la fois incohérent et débile, tu ne sais pas d'où ça sort. Tu te demandes si c'est inné ou s'il a beaucoup travaillé pour être aussi con. C'est le mec qui fait tout de même passer George Bush Jr pour un génie ! J'ai vu une vidéo, où il demandait si l'Espagne ne faisait pas partie des BRICS. Le mec est à peu près aussi nul en géographie que la plupart des citoyens de son pays, mais lui, il est président. Bref c'est pire qu'une version alternative de "The plot against America" de Philip Roth.
Allez encore une image et un texte écrit il y a deux ou trois jours que je voulais publier demain ou après demain. Je brade.

 

 
Ce montage rend bien compte de l'état de confusion mentale où je me trouve. Trop de choses se bousculent dans ma tête. Je ne pense pas être le seul dans ce cas. L'époque est anxiogène. Je devrais m'en foutre. J'approche du bout de la piste. Mais quand même. Parfois je me dis que j'ai commencé ma vie sous le signe de la guerre, et qu'elle finira de même. Cela ne m'enchante pas.
Alors je vais être plus futile pour une fois. Parler de cinéma. On va faire un saut dans le temps. À l'époque où l'on imaginait que la place de la Concorde à Paris pourrait ressembler à un un campus américain.
En début de semaine, après avoir assisté à une leçon de Wajdi Mouawad au Collège de France je suis allé voir "les quatre journées d’un rêveur" de Robert Bresson inspiré de la nouvelle "Les nuits blanches" de Dostoievski. Je ne l’ai jamais lue. En revanche,  je me souviens de l’adaptation cinématographique de Visconti découverte il y a quelques années à la cinémathèque. Ce fut une révélation et en même temps un grand bonheur de l’avoir partagée avec une certaine personne et qu'elle en ait été touchée, elle aussi. J’en garde un si puissant souvenir que la proposition de Bresson m’a semblé bien pauvre et bien terne en comparaison.
Autant le dire, je me suis souvent ennuyé pendant le film. Malgré Isabelle Weingarten qui est plutôt bien, le parti pris de l’interprétation m’a déplu. Cette neutralité atone m'exaspère. Pourtant j’ai bien apprécié des œuvres comme "Au hasard, Balthazar" ou "Mouchette" ou "Pickpocket " que j’ai vus dans ma maturité. 
Je tiens à rajouter ce détail parce que, en fait j’ai découvert Bresson quand j’étais adolescent, avec ses films en couleur : "Le diable probablement", "L’argent" et "Lancelot du lac". Je sais très bien qu’à l’époque je n'aimais pas sa façon. Je trouvais ses films mal interprétés. Tout sonnait faux à mes oreilles. Cette distanciation m'empêchait de rentrer dans l'histoire. Cela ne me parvenait pas. Cela ne parvenait pas au jeune homme que j’étais. Je trouvais ça maniéré, d'un formalisme creux. Dénué de vie. Quelque chose d'autre m'agaçait que je ne me formulais pas. J'y reviendrai.
Je me souviens très bien que Dominique à qui je dois tant, qui a contribué à ma formation, qui m’a éduqué intellectuellement artistiquement, bref cette femme merveilleuse à qui je dois tant de choses, et sûrement le meilleur de ce que je suis, eh bien elle aimait beaucoup Robert Bresson, et je ne comprenais pas son enthousiasme. Je me disais, "c'est bizarre, cette femme si intelligente, si sensible si cultivée, comment se fait-il qu’elle trouve ça bien, qu'est-ce qu'elle y trouve que je ne vois pas ?".
Que cela soit clair, je ne remets pas en cause le génie de Bresson. Si de grands cinéastes que j'admire par ailleurs (Tarkovski, Scorcese, Al Hartley, Wenders, et même Fassbinder) le tiennent pour un maitre c'est qu'il doit y avoir des raisons. L'une d'elles tient peut-être au fait au fait qu'ils ne l'entendent pas dans leur langue native.
Ce qui m'a immédiatement contrarié dans "Les quatre nuits d’un rêveur", c'est l'aspect compassé, un peu précieux, la diction à la fois scolaire et bourgeoise. Oui ces corps, la façon dont ils se tiennent, dont ils sont vêtus, même dans leur "négligé", transpirent malgré eux le discours de domination.  D’ailleurs c’est bien dans les milieux de la haute bourgeoisie que Bresson allait souvent chercher ses "modèles" comme il disait. 
Dans la façon dont, en marchant dans la nuit, ces personnages discutent de l’amour, des tourments du désir, de la passion, je ne vois que préciosité, artifice, et j'entends aussi beaucoup de poncifs. C'est déjà ce que j'éprouvais confusément quand j’étais adolescent. Oui, je vois un discours de classe qui, au fond me dégoûte et attise encore en moi une sorte de colère. 
Et puis les lieux aussi. Les extérieurs, de nuit la plupart du temps se passent en les bords de Seine. On a l’impression que c'est tourné entre la place Dauphine, le pont neuf le quai Voltaire, le drugstore St Germain. et si on s’aventure un peu plus loin, on sent bien que c’est le XVIème. Si les intérieurs sont modestes, les corps et les voix qui les occupent n’y sont pas accordés. 
Finalement ce qui m'a le plus touché dans ce film, ce sont les signes de l’époque. Tout ce qui dénote le début des années 70. Le mini K7 Phillips dans sa housse rigide en cuir noir, que le personnage principal utilise pour enregistrer ses pensées. J’en ai déjà parlé du mini K7. C’était l’objet à avoir absolument, le cadeau de Noël de 1969 que réclamaient tous les jeunes gens de ma génération. Autre signe de ces temps : les hippies (comme on les appelait alors) —bien propres cependant, des hippies de cinéma— jouant de la guitare, la nuit sur les quais de Seine. La musique est d'ailleurs plutôt bonne. Il a bien été conseillé par Michel Magne sur l'affaire. Mais quand même on a l’impression que ces jeunes gens, qui n'ajoutent rien à l'intrigue, sur les quais sont là juste pour l’ambiance pour le climat pour faire "à la mode".Ils décorent.
Et je ne peux alors m'empêcher de constater que c’est un regard de vieux que porte Bresson sur cette jeunesse. Je veux dire par là, nous n'étions pas comme ça.
C’est cela peut être ce qui est le plus touchant dans le film, et même temps un peu pathétique : ce désir de connivence et d'empathie pour une jeunesse qu'au fond il ne comprend certainement pas. Notre façon d'être dostoievskiens était beaucoup plus désepérée, incarnée, et risquée. Cette envie de faire jeune, d’utiliser des jeunes corps pour faire œuvre mais clairement c’est l’œuvre d’un vieux. Sa façon de tourner les scène de sexe, très chastes en fait, a tout de même quelque chose d'assez malsain. Elles ne sont pas d'une grande nécessité, elles sont bien gentillettes, mais pourtant cinquante ans après on sent quand même le regard un peu dégueulasse, un peu libidineux et voyeur.
Quand il tourne son film Bresson a l’âge que j’ai aujourd’hui. Donc je peux très bien comprendre le décalage dans sa perception des jeunes, même si j'ai une fille qui aujourd'hui a l'âge de ses protagonistes. Je peux comprendre le mélange d'étonnement, de curiosité, d'envie mêlée de regret.
En fait je réalise que je n'aime pas les films en couleur de Bresson. Peut-être que le noir et blanc, qui est déjà un formalisme qui éloigne de la réalité et la rend moins triviale, me permet d'accepter plus facilement le décalage qu'il opère en faisant jouer ses modèles de façon désincarnée. Je ne sais pas. C'est une hypothèse qui ne vaut que pour moi.
Malgré tout j'aimerais les revoir tout de même par curiosité. Et puis voir "Une femme douce" que je n'ai jamais vu. Je ne sais pas si l'occasion se présentera. 
Une anecdote au passage.
Je me souviens que pour un film, la directrice de casting, — jeune et que je connaissais suffisamment pour qu'elle me fit cet aveu — m'avait dit que le réalisateur, qui depuis a acquis une certaine notoriété, souhaitait que la scène fut jouée sur un mode bressonnien, tout en m'avouant qu'elle ne savait pas trop ce qu'il entendait par là. J'ai fait comme elle a dit, j'ai eu le rôle. Très modeste au demeurant. 
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vendredi 28 février 2025

mardi 25 février 2025

Il m'arrive parfois


 
Voilà, 
il m'arrive parfois, d'imaginer une ponctuation différente à certains livres que je lis et dont je trouve les phrases trop longues ou trop alambiquées.
 
il m'arrive parfois de ne pas avoir envie de sortir de chez moi pendant plusieurs jours d'affilée et de traîner longtemps au lit le matin

il m'arrive parfois d'avoir envie d'en finir avec ce blog

Il m’arrive parfois d’aimer certains paysages urbains après la pluie

il m'arrive parfois de m’endormir la radio allumée et de ne me réveiller au milieu de la nuit à cause d'un rêve induit par ce que j'ai entendu

il m'arrive parfois d'être sidéré par les reflets que j'aperçois dans le bus par exemple et je voudrais alors n'être plus qu'une vitre
 
il m'arrive parfois de penser que la mort c'est remonter le cours de sa vie dans un univers parallèle et retourner vers l'insouciance et la béatitude. Et qu'ainsi, comprenant au fur et à mesure le processus, on en vient à se réjouir encore plus des moments revécus

il m'arrive parfois d'imaginer des scenarii absolument apocalyptiques concernant l'état de nos sociétés, je voudrais m'en empêcher mais suis incapable d'y parvenir. Ce n'est même pas une activité consciente
 
il m'arrive parfois et même très souvent de vouloir être un petit personnage dans un paysage peint par Poussin, Le Lorrain ou quelque peintre védutiste italien

il m'arrive parfois d'être pris d'un grand découragement devant la nécessité des tâches domestiques
 
il m'arrive parfois, lorsque dans certains cinémas il faut acheter son billet puis ensuite remonter la files d'attente à l'extérieur  — comme c'est le cas au Champo et la la filmothèque du quartier latin — de dévisager mes futurs compagnons de salle. Le jour où je suis allé voir "les quatre nuits d'un rêveur" de Robert Bresson, j'ai trouvé que la plupart des gens faisant la queue étaient vraiment très moches.

il m'arrive parfois d'être pris de panique et de désespoir devant le spectacle du monde
 
il m'arrive parfois de me décourager et de penser que je ne parviendrais jamais à faire pousser un avocat (depuis le temps que j'essaie)

il m'arrive parfois d'envisager d'établir une liste des films que j'ai vus et dans lesquels il y a des scènes de rêve
 
il m'arrive parfois de consulter le blog d'un certain homme politique français, un imprécateur aux vociférations grotesques, dont la prose rappelle celles des apparatchiks staliniens au temps de la guerre froide. Selon ses propres standards on pourrait le qualifier de "hyène folle"

il m'arrive parfois de songer que des choses familières, qui ont toujours suscité ma curiosité, demeureront vraisemblablement inconnues jusqu'à la fin de mes jours, comme par exemple, l'intérieur de ces dômes et clochetons caractérisant tant d'immeubles haussmanniens.
 
il m'arrive parfois de penser que la troisième symphonie de Brahms c'est toujours un truc bouleversant 

Il m’arrive parfois de supposer qu’un jour peut-être j’irai chez le coiffeur sans me douter que ce sera la dernière fois

Il m’arrive parfois de me demander si je suis désormais capable d’écrire autre chose que des listes et des énumérations ce qui constitue encore une façon de s’exprimer même quand on n’a plus grand chose à dire
 
il m'arrive parfois de me demander si de nos jours, les medias ne font pas tout pour que l'on s'accommode peu à peu de l'injustice sans vraiment le réaliser

il m'arrive parfois d'espérer malgré tout

dimanche 23 février 2025

Immeuble d'angle

 
Voilà
le surprenant immeuble de la rue Boulard, à l'angle du 11 rue Froidevaux, fut commandé par M. Emile Gérondeau à l’architecte Léon Boucher (père de l'aviatrice Hélène Boucher), et sa demande de permis de construire fut publiée le 13 février 1911. C’est grâce à cette publication que l’auteur de l’édifice nous est connu, puisqu’il n’a pas trouvé nécessaire de le signer.
A cette époque déjà tardive, l’Art Nouveau commençait à vouloir se muer en un style à la fois plus sévère, plus anguleux, mais sans pour autant renoncer à une certaine sophistication décorative.
Cet immeuble très intéressant, propose un art assagi, mais "avec une réelle volonté d’originalité. Il se distingue par ses multiples ouvertures et balcons, et par la présence des motifs colorés, en mosaïques de grès aux motifs déjà très stylisés".

 
Des bandeaux arrondis se prolongent sur les façades pour former des gardes corps, et maintenir la rotonde d'angle. Des incrustations de pierre émaillées représentant des guirlandes de fleurs, décorent la façade en pierre de taille. On peut remarquer, s'évidant vers le haut, une rotonde d'angle à fenêtres géminées, avec des bow-windows, des balcons traités en lignes courbes. Rue Boulard, une porte d'entrée est ornée de sgraffites et de ferronnerie stylisés, aux motifs floraux. (source  Jean-Pierre Dalbéra wikipedia)

 
Prolongeant ma promenade, j'ai aperçu, Boulevard Raspail, à l'entrée d'une école d'art privée, ces fresques dans le hall d'accueil qui ont sûrement été réalisés par des étudiants. Mais les gardiens n'ont pas voulu que je rentre.

samedi 22 février 2025

Un autre monde


Voilà,
je ne vais pas chercher à analyser la situation, ni me livrer à des hypothèses  ou des projections futures. Seuls peut-être quelques spécialistes avaient idée de l'irrationalité dans laquelle nous nous trouvons. Je n'en connais pas qui envisageaient une si soudaine rupture des équilibres géostratégiques et des alliances  élaborées de longue date. Qui pouvait supposer une telle irruption de l'inconnu due à des décisions précipitées et inconséquentes. 
On a basculé dans un autre monde. 
Ce qu'on pressentait comme vaguement possible, tout en s'efforçant de le considérer comme hautement improbable advient avec la violence d'une déflagration, et saisit d'effroi les dirigeant européens qui n'y étaient pas préparés.
Partout les forces de la haine et du ressentiment sont à l'œuvre. Jamais la bêtise ne s'est donnée en spectacle avec une telle arrogance. Jamais elle n'a disposé d'une telle puissance de destruction. "Quelle époque terrible que celle où des idiots dirigent des aveugles", écrivait Shakespeare. Là on est particulièrement servis.
Après les quatre ans de gouvernance Trump on pouvait difficilement imaginer que le peuple américain en redemanderait. Je ne sais pas si ce sont les ravages conjugués de l'influence de médiocres médias, de l'acculturation croissante du continent nord américain, l'effet de la junk food, de la généralisation de l'usage des drogues, mais cette pulsion suicidaire collective nous exile dans une contrée située au delà des questions.
Tout est toujours possible, même le pire. Bien que je n'ai jamais fait preuve d'un grand optimisme, je n'ai jamais imaginé que la bêtise collective serait de nouveau à ce point possible.
Je pensais que les institutions américaines nous préserveraient de la possibilité d'un tel chaos.
La frénésie dévastatrice des dirigeants états-uniens, le délire psychotique du Président d'une nation en pleine débâcle, qui fait acte de reddition et se prosterne devant le dictateur russe qui n'en demandait pas tant, toute cette accumulation de comportements erratiques des dirigeants yankees mène à l'autodestruction rapide de la puissance américaine.
En devenant le caniche de Poutine, Trump ne trahit pas seulement ses alliés, il met en danger la nation qu'il est supposé gouverner entre deux parties de golf. Pour cette reddition, autant que pour son obstination à saper l'armée, les intérêts de la sécurité nationale, il devrait d'ores et déjà être traduit en cour martiale.
Le manque de réaction des chancelleries de l'Union Européenne, comme tétanisées par les violents propos du vice-président américain à leur égard, atteste de leur surprise. Ils découvrent que l'Europe est désormais seule, comme un animal domestique que les maîtres livrent en pâture aux chasseurs. Ils réalisent qu'elle n'est plus qu'un vestige de l'histoire et la survivance quasi fantôme d'une culture qui s'est peu à peu évanouie sans qu'on s'en rende compte. Notre avenir, notre illusoire sécurité disparaissent comme certains paysages ou certaines routes dans un gouffre
La bêtise abjecte et l'arrogance des puissants font passer par profits et pertes la démocratie, l'encyclopédie des lumières, les droits de l'homme et le droit en général, les lois internationales, les engagement passés, les traités  entre les nations, les échanges culturels. et j'en passe. Bienvenue dans le nouveau monde.
Ici aussi en Europe les peuples sont très cons. Ici aussi les masses sont gaillardement hystériques et d'ores et déjà  adoptent la posture de "l'esclave qui cherche un maître à dominer "selon la brillante et paradoxale formule de Lacan.
Tout ce pour quoi j'ai vécu, tout ce qui m'anime, l'amour de l'art, la pensée, le domaine des idées, l'admiration que je porte aux chercheurs (mathématiciens, biologistes, physiciens etc) aux inventeurs, aux artisans détenteurs de savoirs et de pratiques anciennes qu'ils perpétuent, bref tout ce qui ressortit de l'intelligence pratique ou conceptuelle, tout cela semble désormais battu en brèche, soudain inutile.
En fait toute ma vie j'ai essayé d'échapper à la connerie bien soldatesque bien fascisante qui sévissait dans ma famille. Et maintenant, avec ce que devient le monde, c'est comme si je me trempais la tête dans la cuvette des chiottes.
S'il ne s'agissait que de moi, je m'en foutrais. Le meilleur de ma vie est derrière. 
Mais je pense à ma fille. Et ses ami.e.s si sympathiques, et intelligents. J'ai peur de ce qui les guette. Car cette pandémie de connerie crasse qui se répand sur toute la surface du globe, cette précipitation affolée vers des horizons obscurs, il semble que rien ne puisse l'arrêter.
Je ne peux parler que de là où je me trouve et seulement de ce que je ressens. Ma compréhension du monde s'en tient à de vagues intuitions. Je file cependant  parfois la métaphore. J'ai récemment appris lors d'une leçon de Wajdi Mouawad au collège de France, (car quand j'ai le temps je vais assister à des leçons du collège de France) que "métaphore" en grec courant signifie "transport". Alors je me transporte des mots aux images. Je "déménage" — le français utilise parfois cette expression pour signifier qu'on devient fou ou gâteux—, je continue de radoter, de faire des associations. Europe n'a plus la prestance de la belle jeune fille que Zeus enleva prenant l'apparence d'un taureau blanc. Elle est bien vieille à présent. Presque moribonde. Attend aux urgences. Pas sûr qu'on puisse la réanimer. Pas sûr.

jeudi 20 février 2025

L'immensité des nuages

Voilà,
Assis seul en silence 
Un pâle rayon de lumière s'infiltre dans mon cœur
Le monde est pris par des agitations diverses 
Comment oublier la folie des hommes 
Quand par hasard une journée de sérénité est entre mes mains
Je comprends que j'ai connu trop d'années de vaine agitation
Mon cœur voudrait trouver refuge dans l'immensité des nuages
(Sôseki in "Oreiller d'herbes")

lundi 17 février 2025

Au milieu de la nuit


 
Voilà,
de plus en plus souvent je me réveille au milieu de la nuit avec la sensation d’être passé à deux doigts de la mort, d’avoir senti comme une force intérieure qui voulait me happer m’aspirer dans une sorte de gouffre, d’absence sans contour. Tôt ce matin, c’était très étrange. Dans mon rêve je lisais un texte vraiment bizarre que je prononçais à mesure que les mots apparaissaient. J’avais la sensation d’être particulièrement juste dans mon interprétation et que je ne pourrais pas faire mieux. En même temps je m’apercevais que ce texte racontait ma propre fin que j’étais en quelque sorte en train de la commenter. Je me suis réveillé, désolé d’être confronté malgré moi à des pensées morbides. Il m’arrive de penser parfois que mon cerveau est en train de me préparer à quitter ce monde à plus ou moins brève échéance. Cela me contrarie un tantinet bien sûr, mais tant qu’à faire ça serait somme toute pas mal que cela se passe comme ça. Que la mort me cueille sans souffrance et que je me déploie dans une fugace et très légère surprise.
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dimanche 16 février 2025

Stormy weather

Voilà, 
je suis allé à Romainville, en début de semaine. La ligne 11 ayant été prolongée récemment cette commune de banlieue est devenue beaucoup plus accessible. Je suis passé par une cité assez sinistre, que ce mural monumental et assez charmant, au pied duquel les gens déposent des ordures, ne suffit pourtant à égayer. Au moins les gens savent où passent leurs impôts. Il a été réalisé par Viniegraffiti. J'aime bien l'utilisation de la colonne de cheminée transformée en tronc d'arbre.
Sinon hier c'était le 120ème anniversaire de Harold Arlen, l'auteur entre autres, de "Over the rainbow" et de "Stormy weather" — une des rares chansons que je sais chanter (mais pas aussi bien que Billie Holiday —. Une émission lui est d'ailleurs aujourd'hui consacrée animée par un présentateur qui a un cheveu sur la langue.


Père Trumpubu


Voilà, 
donc si je comprends bien Trump et son gang ont décidé de foutre la merde partout. Pas seulement dans leur pays mais partout. Avec des méthodes de mafieux, de patrons voyous. Dans la jouissance du "you're fired" qui concluait souvent son émission "The apprentice". Le monde comme une gigantesque émission de téléréalité. Leur jouissance est d'abord dans l’expression de leur pouvoir, donnée comme un spectacle. Outre s'accaparer les richesses, ils n’ont pas d’autres projet politique, que d’asseoir leur pouvoir  et de montrer qu’ils sont les boss, les maîtres et que seule importe leur volonté. Étaler le spectacle de leur puissance, prime sur le reste, et en particulier sur le confort des citoyens et leur bien-être. Mais bon pour le moment la majorité est contente. Elle tient sa revanche. Elle va sûrement déchanter. Les peuples déchantent toujours.
Pour Trump et sa bande il n’y a pas d’Histoire. Ce qui a été tissé avant eux n’a pas de sens puisqu’il n’y ont aucunement pris part. Ils sont dans la logique "du passé, faisons table, rase". C’est étrange que ce slogan que braillaient les jeunes maoïstes occidentaux de la fin des années soixante, soit devenu aujourd'hui leur mode d'action. Paradoxalement cela va de pair avec le fantasme d'une grandeur passée. Grandeur acquise grâce aux élites et à la main d'œuvre européennes qui avaient fui le nazisme dans les années trente.
Les liens entre l’Europe et l’Amérique, le lien historique, les liens culturels, l’origine des États-Unis tout ça, ça n’existe pas pour eux. Pas seulement parce que ce sont des ignorants, mais simplement parce que ça va à l’encontre de leur volonté de puissance. 
En 2016, Michel Schneider dans le journal Le Monde brossait un portrait assez juste de Trump. Mais il faisait preuve d’optimisme en imaginant que les contre-pouvoir du système politique américain, pourraient éviter ce qu’il pressentait et qui pourtant est bien en deça de ce à quoi nous assistons
Ce que propose Trump, ce n’est plus ni moins qu’une révolution culturelle, un changement de paradigme. Évidemment. Il ne le formule pas comme cela. Ce sont des mots trop difficiles pour lui. Il est juste dans la logique commerciale, celle du deal. Celle de Corleone. "Je vais te faire une proposition que tu ne peux pas refuser." et aussi "si tu n'es pas à mon service tu es contre moi"
Hier en une soirée, avec les propos insultants de David Vance lors d’une conférence européenne, initialement consacrée à l'Ukraine, on a compris qu’il n’y avait plus d'alliance historique, de défense commune. Mais que les États-Unis, par la voix de leurs représentants crachaient sur l’Europe et la méprisaient autant que Poutine en utilisant les mêmes mots que lui. 
Il faut comprendre que désormais l’équilibre des forces géostratégiques patiemment établi depuis 80 ans n’a plus cours. L’Europe est considérée comme un vassal un peu prétentieux qu’il faut mettre au pas. Les dirigeants américains la virent comme une vieille maîtresse trop longtemps entretenue et devenue un peu encombrante. On est un peu dans le genre "t’as une semaine pour faire tes valises. J’ai beaucoup fait pour toi. Maintenant tu dégages ou tu fermes ta gueule.
Les dirigeants américains sont strictement dans la logique de la vengeance. De la rancune. La logique de "tu vas me le payer. Je n’oublie pas que tu as fait ça que tu as dit ça. J’ai été trop gentil maintenant tu vas en baver."
Évidemment, il est plus facile d’humilier ses amis en décrétant soudain qu’ils sont devenus des ennemis que de s’opposer à ses véritables ennemis. Le véritable ennemi des États-Unis et des démocraties du monde occidental jusqu’à présent c’était entre autres la Russie. Mais maintenant Poutine est devenu le grand ami de Trump. 
C'est normal. Poutine tient Trump par les couilles. Ils y a des vidéos de lui avec des putes russes dans une chambre d’hôtel alors qu'il n'était pas encore un homme politique. Est ce pour cela que Trump est prêt à tout brader ?
De toute façon Poutine est bien plus malin que lui, bien plus rusé. C’est un monstre froid. Poutine est patient. C’est un joueur de poker. C’est un fou sanguinaire, mais pour lui, contrairement à Trump, la vengeance est un plat qui se mange froid. 
Bref ici en Europe on est vraiment comme des cons. On s'aperçoit que sans le parapluie nucléaire U.S. on n'est rien. On a toujours nourri l'illusion que, à défaut d'aimer l'Europe, l'administration américaine y avait des intérêts, qu'on représentait un marché et qu'elle assurait notre défense pour cela. Bah non.
Pendant ce temps là, la Chine, prospère. En trente ans seulement elle est devenu une puissance en essor. Ce qu’étaient les USA dans la première moitié du siècle passé.
La Chine est mieux armée pour affronter les nombreux défis du XXIe siècle. Son Produit Intérieur Brut est actuellement plus de 30 % plus élevé et atteindra le double du PIB états-unien d’ici à 2035. 
Elle a des infrastructures neuves. Elle a investi dans la science dans la recherche dans l'éducation dans la défense. Elle dispose d'ingénieurs compétents. Les hommes qui sont au pouvoir ont le sens de l’histoire et de la politique et sont visiblement plus intelligents que les dirigeants occidentaux, et américains cela fait aucun doute.  Ils ont  juste à attendre que l’Amérique et l’Occident s’effondrent tout seul. Ils n’ont rien à faire. Juste regarder et être patients. 
Je n’ai aucune idée de ce à quoi le monde va ressembler dans la décennie qui vient. D’ailleurs personne n’en a aucune idée. On sent juste que cela va être assez chaotique, sanglant, guerrier, débile et le tout sur fond de catastrophes naturelles. En tout cas on ne sent pas une intelligence collective à l'œuvre, ça c’est bien certain. Si une météorite menaçait la terre on serait encore assez cons pour continuer à se taper sur la gueule en espérant que ça tombe chez l'adversaire.
Goddam ! C'est donc dans ce monde là que je vais devoir mourir ? Fichtre! autrefois le futur était bien plus rigolo


C’est incroyable d'assister à cela, cette décomposition accélérée, cet effondrement intellectuel, économique, politique. Cette accélération de l’histoire, l'émergence de ce chaos. Un truc équivalent à ce que les habitants du bloc soviétique ont connu à partir de 1986.
Pour en revenir à Trump, quelqu'un a quand même soumis cette proposition à la chambre des représentants. Ubuesque non ?
 
 
 
 
Sinon, je joins la liste des mots clés désormais proscrits dans les documents officiels aux USA 
Et puis aussi les pages et sites supprimés  sur ce lien.
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